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Des femmes face à un choix de vie

Des femmes face à un choix de vie

Les femmes de Raiatea : ce sont nos collègues, nos voisines, nos amis, nos taties, … des femmes qu’on croise souvent ou avec lesquelles on discute de temps en temps. Mais derrière ces femmes, ces mères, ces amantes, ces amies … il y a souvent de belles histoires, des joies comme des moments de vie plus difficiles, des choix qui font qu’elles en sont là aujourd’hui. Rien d’extraordinaire, mais des choix qui font basculer des vies …

 

Ce 1er « portrait de femmes » part à la rencontre d’une famille de Raiatea pour partager quelques « tranches de vie » dont on pourra sans doute aussi tirer des leçons personnelles …

Mémé Tapairu 

(orbeck épouse tapi)
A la fois fière paumotu et d’origine hindoue par son ancêtre,  un navigateur venu du Danemark vers les îles Tuamotus, la jeune fille est instruite (par le biais de son éducation religieuse catholique) et maîtrise parfaitement le français. Si on ajoute que c’est une très belle femme, on comprend pourquoi elle va attirer l’attention d’un capitaine de goélette. Décidément, la navigation joue un rôle dans de nombreuses histoires de cette époque ! 
Ce navigateur l’épouse donc et lui donne 2 filles : Yvette (qui sera adoptée par sa grand-mère à l’âge de 7 ans) et Bernadette (élevée par sa famille Orbeck). Ce mariage est malheureusement un échec…

Mais Tapairu ne tire pas un trait sur l’amour … et son coeur bat de nouveau, cette fois pour un jeune et beau plongeur de nacres,  un métisse paumotu chinois : Tehina ! Ce n’est que quelques années plus tard, après le décès de son premier mari, qu’elle épousera enfin l’homme de sa vie !

Maman Emerita

Fruit de cet amour, Emerita va naître à Makemo, dans les conditions un peu difficiles de l’époque sur les îles éloignées : pas de sage femme, mais une femme âgée qui essaie de guider les futures mamans ; pas de matériel pour les soins donc on l’accueille dans sa nouvelle vie avec du jus de citron pour lui désinfecter le yeux … on imagine sa réaction, mais aussi celle de son père qui est bien fâché de cette méthode !

Emerita suit une courte scolarité : n’ayant pas les moyens, ses parents la retirent de l’école à ses 13 ans au moment où ils partent s’installer sur Kauehi. Et puis c’est aussi pour son père un moyen de garder un oeil sur elle, ou plutôt sur les éventuels « voyous » qui pourraient vouloir profiter de la jolie jeune fille ! 

Comme sa mère avant elle, c’est un « homme de passage » qui la remarquera. Elle a 16 ans, lui 21. Il vient de Raiatea et navigue dans les îles en mission pour le service de l’agriculture. Sous le charme, il demande à ses  parents l’autorisation de lui faire la cour …

A 17 ans, la jeune paumotu va devoir quitter ses repères et sa famille pour suivre son époux qui rentre sur Raiatea ! Malheureusement, sa belle-famille ne lui fera pas l’accueil chaleureux qui aurait pu la réconforter … Malgré tout, elle va vivre au sein de sa nouvelle famille, apprendre comment tenir une maison, … et donner naissance à son 1er enfant : Rony. 3 ans plus tard, c’est Vaiana qui agrandira la famille.

Un de ses grands plaisirs, c’est quand de temps en temps ses parents paumotus effectuent le long voyage en goélette pour venir l’aider. A la naissance de son 3ème enfant, Hina, mémé Tapairu décidera d’ailleurs d’adopter la petite dès son 1er mois et repartira avec elle à Kauehi … 

Son bonheur, Emerita le connaîtra davantage quand elle déménagera à Tahaa avec sa petite famille, suite à une mutation de son mari. De merveilleuses années, parfois aussi mouvementées … qui amènent mémé Tapairu à revenir plus souvent et longtemps, les malles chargées de boîtes de Sao remplies de poissons séchés puants, faisant office de friandises pour les enfants qui le savourent avec du Uto, mais aussi de crabes de cocotiers conditionnés dans des boîtes d’aluminium…

ROMANELLA

Autre génération, autre femme qui fait son entrée dans la vie : alors que son mari est absent pendant sa grossesse, Emerita seule à l’hôpital entend une chanson à la radio qui la touche. Sa fille qui arrive, son 4ème enfant, s’appellera Romanella !

Son père espérait un garçon … est-ce que c’est ce qui va influencer le comportement de la jeune-fille ? En tout cas, que ce soit pendant sa toute jeune enfance sur Raiatea ou plus tard sur Tahaa, Romanella aime la liberté et les activités des garçons du village qu’elle accompagne partout :  brousse, rivière, champs … rien ne lui fait peur, elle joue autant les durs qu’eux, rien ne l’arrête si ce n’est la faim qui la ramène chez elle en fin de journée, parfois trop tard pour le repas déjà débarassé. Mais un simple bol de café où l’on casse des biscuits Sao, avec du fromage ou la soupe chinoise (le paquet bleu) lui suffit. Encore aujourd’hui, ce « plat » arrive parfois à la faire basculer dans son enfance …  

Elle grandit dans la peau d’un garçon, jusqu’à découvrir sa différence … un choc pour elle mais qui ne va pas longtemps la déstabiliser. Romanella a envie de faire ce qu’elle aime, sans se préoccuper de ce que les autres en pensent, alors après avoir exercé dans l’enseignement et l’entrepreneuriat, elle décide de vivre de sa passion en tant qu’agricultrice biologique.  

Un métier exigeant, parfois très difficile (il faut la voir manipuler la hache ou la baramine !), mais qui lui permet de recréer ainsi son monde d’enfance, de la brousse à l’élevage … et aussi de partager avec d’autres ce qu’elle aime ! Vivre de la terre, en prendre soin, la respecter, savourer chaque instant et chaque récolte … Elle a aussi reconstruit un petit élevage de cochons comme ceux qu’elle avait autrefois à Tahaa ! Et elle a bien sûr la joie de partager cet univers avec ses propres enfants qui ont d’ailleurs amené de nouveaux éléments différents de ce qu’elle vivait dans son enfance à Tahaa  : des chevaux !

Elle se dit « amoureuse de sa vie, malgré les hauts et les bas qui ramènent les pieds sur terre ». C’est sans doute cet amour de la vie (et de sa terre) qu’elle transmettra à la génération suivante, déjà bien présente à ses côtés !

Alors rendez-vous dans 20 ans pour la suite des portraits de femme de cette famille au grand coeur !

On ne peut pas résumer 3 ou 4 générations dans un article de blog mais merci à cette famille d’avoir partagé quelques souvenirs avec nous … d’ailleurs ça t’a peut-être rappelé tes propres souvenirs ? Et puis on pense à nos propres choix de vie …

Qu’est-ce qui se serait passé si Tapairu avait baissé les bras avant de retrouver l’amour, et si plus tard elle n’avait pas été aussi présente pour sa fille qu’elle a soutenue en faisant autant de traversées ? Ou si Emerita avait refusé de quitter sa famille pour vivre sur une île où elle n’a pas toujours été acceptée ? Ou encore si Romanella n’avait pas suivi ses rêves les plus profonds ?

Ce sont des choix qu’on peut tous être amenés à faire, mais je suis toujours impressionnée de voir comment des vies peuvent basculer en fonction de nos décisions… On aurait presque pu en faire un livre à suspens ! Comme quoi chacun dans sa famille a de belles histoires à partager qui peuvent nous faire réfléchir à nos propres choix … Toi tu aurais fait quoi à leur place ? Et n’oublie pas : « tout le monde est une histoire » … alors c’est quoi la tienne ?

4 commentaires sur “Des femmes face à un choix de vie”

  1. Magnifique ❤️ MAGNIFIQUE ❤️❤️❤️
    Heureuse de connaître les belles histoires des femmes de la vie de mon amie Tapairu (de la nouvelle génération)

  2. Bravo pour ces portraits, et oui, la vie est faite de choix, ces choix modifieront à jamais notre destin. Suivons notre bonne étoile !

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